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LETTRES FAMILIÈRES.


en une page, cum aliquo grano salis ? Si cela n'est pas absolument nécessaire, j’y renonce, haïssant à la mort de faire parler de moi. Il faudroit que je susse aussi si cela à quelque relation avec la Sorbonne. Je suis ici dans l’ignorance de tout, et cette ignorance me plaît assez. Tout ceci entre nous, et sans qu’il paroisse que je vous en aie écrit. Mon principe a été de ne point me remettre sur les rangs avec des gens méprisables. Comme je me suis bien trouvé d’avoir fait ce que vous voulûtes quand vous me poussâtes, l’épée dans les reins, à composer ma Défense [1], je n’entreprendrai rien qu’en conséquence de votre réponse, Huart veut faire une nouvelle édition des Lettres persanes ; mais il y a quelques juvenilia [2]que je voudrois auparavant retoucher ; quoiqu’il faut qu’un Turc voie, pense et parle en Turc, et non en chrétien : c’est à quoi bien des gens ne font point attention en lisant les Lettres persanes.

Je vois que le pauvre Clément V retombera dans l’oubli, et que vous allez quitter les affaires de Philippe le Bel pour celles de ce siècle-ci. L’histoire démon pays y perdra aussi bien que la république des lettres ; mais le monde politique y gagnera. Ne manquez pas de m’écrire de Vienne, et n’oubliez point de me ménager la continuation de l’amitié de monsieur votre frère : c’est un des militaires [3] que je re-

  1. Ce fut lui qui, à force de sollicitations, lui arracha, comme malgré lui. l’unique réponse qu’il ait faite au critiques sous le titre de Défense de l’Esprit des Lois, que le public a reçue avec tant d’applaudissement. (G.)
  2. Il a dit à quelques amis que, s’il avoit eu à donner actuellement ces Lettres, il en auroit omis quelques-unes, dans lesquelles le feu de la jeunesse l’avoit transporté ; qu’obligé par son père de passer toute la journée sur le Code, il s'en trouvoit le soir si excédé, que, pour s’amuser, il se mettoit à composer une lettre persane, et que cela couloit de sa plume sans étude. (G.)
  3. Il étoit alors général-major au service d’Autriche. Il fut choisi dans la dernière guerre pour quartier-maître général de l’armée de Bohème ; il