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LETTRES FAMILIÈRES.



LETTRE CXXXVI.


A M. D’ALEMBERT [1].


Vous prenez le bon parti, monsieur ; en fait d’huître on ne peut faire mieux. Dites, je vous prie, à Mme du Deffand, que si je continue à écrire sur la philosophie, elle sera ma marquise [2].

Vous avez beau vous défendre de l’Académie, nous avons des matérialistes aussi ; témoin l’abbé d’Olivet, qui pèse au centre et à la circonférence ; au lieu que vous, vous ne pesez point du tout.

Vous m’avez donné de grands plaisirs. J’ai lu et relu votre Discours préliminaire [3] : c’est une chose forte, c’est une chose charmante, c’est une chose précise, plus de pensées que de mots, du sentiment comme des pensées, et je ne finirois point.

Quant à mon introduction dans l'Encyclopédie, c’est un beau palais où je serois bien curieux de mettre les pieds ; mais pour les deux articles Démocratie et Despotisme, je ne voudrois pas prendre ceux-là. J’ai tiré, sur ces articles, de mon cerveau tout ce qui y étoit. L’esprit que j’ai est un moule ; on n’en tire jamais que les mêmes portraits : ainsi je ne vous dirois que ce que j’ai dit, et peut-être plus mal que je ne l’ai dit. Ainsi, si vous voulez de moi, laissez à mon esprit le choix de quelque article ; et si vous

  1. Tiré des Œuvres posthumes de d’Alembert. Paris, 2 vol. in-12, an. VII.
  2. Allusion aux Mondes de Fontenelle.
  3. De l'Encyclopédie.