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A PAPHOS.


temps ; et je veux, en attendant son réveil, vous entretenir sous cet ombrage.

Je voulus remercier la nymphe d’un accueil si gracieux [1]. Vous m’avez moins d’obligation que vous ne pensez, répondit-elle ; le plus grand plaisir que je puisse avoir à Paphos, c’est d’entretenir les mortels. Les nymphes, mes compagnes, se chargent de ce soin à Cythère, mais à Paphos, c’est le seul soin de Zélide.

Vénus permet à ses nymphes de choisir leurs amants à Gnide, à Amathonte et à Cythère. Quand le séjour de la déesse est à Amathonte, les amantes des autres îles languissent dans les peines de l’absence ; vous me trouvez seule ici dans la rêverie ; j’aime à Cythère ! Eh quoi ! dis-je à Zélide, la reine des plaisirs permet que dans sa cour même on connaisse des peines en aimant ! Ne vous en étonnez pas, Diphile, ce sont ces peines qui font le bonheur des cœurs amoureux [2].

Vénus, attentive à tout ce qui peut augmenter les délices de son empire, ordonne quelquefois à ses nymphes de passer un jour sans parler à leurs amants ; il nous est même défendu de les voir à de certaines heures. Ces défenses ne sont pas faites pour nous priver de leur présence, mais pour ajouter au plaisir de les voir, le plaisir de les voir en secret.

L’absence que les vulgaires amants comptent pour une peine, augmente les douceurs qu’on goûte en aimant. Vénus même se soumet à ses lois, et la mère des Amours

  1. A. Si prévenant.
  2. A. ajoute :

    Quand on aime, on veut jouir ;
    Mais un peu de gêne,
    Un instant de peine
    Donnent du sel au plaisir.