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VOYAGE


Je me rappelle les moments que j’ai passés avec Lycas [1]... Ce soupir vous apprend que c’est Lycas que j’aime : absent, son idée est sans cesse présente à mon esprit ; je répète en moi-même tout ce que je lui ai dit en parlant. Je le suis dans les bois où j’aime à le trouver ; je le vois nonchalamment couché s’entretenir dans une douce rêverie ; il m’aime, il pense à moi, il me parle peut-être. Quelques jours avant de rejoindre Lycas, je préviens tout ce qu’il va me dire. Je juge du plaisir qu’il aura de me revoir par la tendresse de ses adieux. Je le vois qui court au-devant de moi ; ses transports comblent ma joie ; je vole dans ses bras ; que de caresses [2] !

Ah ! nymphe, que vous augmentez l’impatience que j’ai de revoir Mélite [3]. Elle connaitra dans vos embrassements, reprit-elle, que l’absence, en les faisant souhaiter plus longtemps, leur donne encore un nouveau prix [4].

Mais ne vois-je pas le palais de Vénus ? Non ; c’est la demeure des Grâces, dit Zélide ; ce portique de feuillage qu’on aperçoit d’ici, conduit à un vestibule où s’assemblent les génies qui sont destinés à inspirer la galanterie aux mortels. Chaque Grâce les instruit selon le département qui lui est confié. La première leur enseigne à parler le langage des Grâces ; c’est elle qui défend ces froides exagérations qui, loin d’honorer une maîtresse [5], déshonorent

  1. A. Écrit partout Palmire au lieu de Lycas.
  2. A. Ses transports se confondent dans les miens. Je meurs dans ses bras.
  3. A. ajoute :

    Son absence m’est cruelle.
    Toujours flatté d’un doux espoir,
    Je ne peux vivre sans elle ;
    Peut-elle vivre sans me voir ?

  4. Cette phrase n’est pas dans A.
  5. A. L’objet aimé.