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Page:Montesquieu - Considérations, éd. Barckhausen, 1900.djvu/191

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nouvellement rétablis, et qui craignaient tout, voulurent se concilier les Génois en leur accordant la liberté de trafiquer sans payer des droits[1], et les Vénitiens, qui n’acceptèrent point de paix, mais quelques trêves, et qu’on ne voulut pas irriter, n’en payèrent pas non plus.

Quoique, avant la prise de Constantinople, Manuel Comnène eût laissé tomber la marine, cependant, comme le commerce subsistait encore, on pouvait facilement la rétablir. Mais, quand, dans le nouvel empire, on l’eut abandonnée, le mal fut sans remède, parce que l’impuissance augmenta toujours.

Cet état, qui dominait sur plusieurs îles, qui était partagé par la mer, et qui en était environné en tant d’endroits, n’avait point de vaisseaux pour y naviger. Les provinces n’eurent plus de communication entre elles ; on obligea les peuples de se réfugier plus avant dans les terres pour éviter les pirates[2] ; et, quand ils l’eurent fait, on leur ordonna de se retirer dans les forteresses pour se sauver des Turcs.

Les Turcs faisaient pour lors aux Grecs une guerre singulière : ils allaient proprement à la chasse des hommes ; ils traversaient quelquefois deux cents lieues de pays pour faire leurs ravages. Comme ils étaient divisés sous plusieurs sultans[3], on ne pouvait pas, par des présents, faire la paix avec tous, et il était inutile de la faire avec quelques-uns. Ils s’étaient faits mahométans, et le zèle pour leur religion les engageait merveilleusement à ravager les terres des Chrétiens. D’ailleurs, comme c’étaient les peuples les plus laids de la TerreErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu., leurs femmes étaient affreuses comme eux, et, dès qu’ils eurent vu des Grecques, ils n’en purent plus souffrir d’autresErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.. Cela les porta à des enlèvements con- (¹) (3) . Cela donna licu à cette tradition du Nord, rapportée par le Goth Jornandès, que Philimer, roi des Goths, entrant dans les terres gétiques, y ayant trouvé des femmes sorcières, il les chassa loin de son armée; qu’elles errèrent dans les déserts, où des Démons incubes s’accouplèrent avec elles, d’où vint la nation des Huns : Genus ferocissimum, quod fuit primum inter pa- ludes, minutum, tetrum atque exile, nec alia voce notum nisi quæ humani sermonis imaginem assignabat. (5) Michel Ducas, Hist. de Jean Manuel, Jean et Constantin, chap. w. Constantin Porphyrogénète, au 160 1

  1. Cantacuzène, liv. IV.
  2. Pachymère, liv. VII.
  3. Cantacuzène, liv. III, chap. xcvi, et Pachymère, liv. XI, chap. ix.