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Page:Montesquieu - Deux opuscules, éd. Montesquieu, 1891.djvu/67

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ne soutiennent pas leur caractère, cela veut dire qu’ils n’en ont point de fixe, ce qui est le pire de tous les caractères ; un homme qui aura acquis la réputation d’un homme vrai et qui devient adroit courtisan, perd la réputation d’un homme vrai et n’obtient pas celle d’adroit courtisan.

Lorsqu’un homme s’est signalé par de belles actions, des honneurs peuvent le relever encore davantage, mais il se dégradera s il paraît trop les rechercher ; il doit être content de lui et penser que l’effet propre et naturel des dignités est de sauver de l’oubli ceux qui ne sont pas assez heureux pour s’être distingués par leur mérite personnel.

Je le demande à tout le monde, qui est-ce qui pense que le fameux coadjuteur ait été cardinal ?

Si le hasard nous a mené sans mérite à la réputation, il faut nous en réjouir en secret, et rire tout bas aux dépens du peuple et au nôtre.

J’ai quelque idée que Gracian a dit à peu près que si le mérite est plus grand que la réputation il faut le[1] produire, parce qu’on montre le mérite ; si la réputation est au-dessus du mérite, il faut être très réservé de peur de ne montrer que de la réputation.

  1. Il est probable que Montesquieu fait allusion au texte espagnol de Baltasar Gracian, texte qu’Amelot de la Houssaye lui paraîtrait avoir médiocrement rendu dans sa traduction.

    Nous pensons aussi que, dans le texte de Montesquieu, on devrait lire : « il faut se produire ». Le passage correspondant de la marquise de Lambert confirmerait cette leçon, aussi bien que la fin de l’alinéa de Montesquieu.