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Page:Montesquieu - Le Temple de Gnide, 1824.djvu/65

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épargné un grand crime. Et, m’approchant de la prêtresse : Nous sommes aimés du dieu que vous servez ; il vient de calmer les transports dont nous étions agités : à peine sommes-nous entrés dans ce lieu, que nous avons senti sa faveur présente ; nous voulons lui faire un sacrifice. Daignez l’offrir pour nous, divine prêtresse. J’allai chercher une victime, et je l’apportai à ses pieds.

Pendant que la prêtresse se préparait à donner le coup mortel, Aristée prononça ces paroles : Divin Bacchus, tu aimes à voir la joie sur le visage des hommes ; nos plaisirs sont un culte pour toi, et tu ne veux être adoré que par les mortels les plus heureux.

Quelquefois tu égares doucement notre raison ; mais, quand quelque divinité cruelle nous l’a ôtée, il n’y a que toi qui puisses nous la rendre.

La noire Jalousie tient l’Amour sous son esclavage ; mais tu lui ôtes l’empire qu’elle prend sur nos cœurs, et tu la fais rentrer dans sa demeure affreuse.

Après que le sacrifice fut fait, tout le peuple s’assembla autour de nous ; et je racontai à la prêtresse comment nous avions été tourmentés dans