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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/179

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Liv. I. Chap. I

donnent, ils ne les suivent pas toujours.

On ne sait si les bêtes sont gouvernées par les lois générales du mouvement, ou par une motion particuliere. Quoi qu’il en soit, elles n’ont point avec Dieu de rapport plus intime que le reste du monde matériel ; & le sentiment ne leur sert que dans le rapport qu’elles ont entr’elles, ou avec elles-mêmes.

Par l’attrait du plaisir, elles conservent leur être particulier ; & par le même attrait, elles conservent leur espece. Elles ont des lois naturelles, parce qu’elles sont unies par le sentimens ; elles n’ont point de lois positives, parce qu’elles ne sont point unies par la connoissance. Elles ne suivent pourtant pas invariablement leurs lois naturelles ; les plantes, en qui nous ne remarquons ni connoissance, ni sentiment, les suivent mieux. Les bêtes n’ont point les suprêmes avantages que nous avons ; elles en ont que nous n’avons pas. Elles n’ont point nos espérances, mais elles n’ont pas nos craintes ; elles subissent comme nous la mort, mais c’est sans la connoître ; la plupart même se conservent mieux que nous, & ne font pas un aussi mauvais usage de leurs passions.