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de l’esprit des Lois,

elles qui font les lois & qui les font exécuter ; & le reste du peuple n’est tout au plus à leur égard, que comme dans une monarchie les sujets sont à l’égard du monarque.

On n’y doit point donner le suffrage par sort ; on n’en auroit que les inconvéniens. En effet, dans un gouvernement qui a déjà établi les distinctions les plus affligeantes, quand on seroit choisi par le sort, on n’en seroit pas moins odieux ; c’est le noble qu’on envie, & non pas le magistrat.

Lorsque les nobles sont en grand nombre, il faut un sénat qui regle les affaires que le corps des nobles ne sauroit décider, & qui prépare celles dont il décide. Dans ce cas, on peut dire que l’aristocratie est en quelque sorte dans le sénat, la démocratie dans le corps des nobles, & que le peuple n’est rien.

Ce sera une chose très-heureuse dans l’aristocratie, si par quelque voie indirecte on fait sortir le peuple de son anéantissement ; ainsi à Genes la banque de Saint Georges, qui est administrée en grande partie par les principaux du peuple, donne à celui-ci une certaine