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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/203

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Liv. II. Chap. III.

suivis, suspendus, repris ; que l’ambition d’un seul devient celle d’une famille, & l’ambition d’une famille celle de plusieurs. On a besoin d’une magistrature cachée, parce que les crimes qu’elle punit, toujours profonds, se forment dans le secret & dans le silence. Cette magistrature doit avoir une inquisition générale, parce qu’elle n’a pas à arrêter les maux que l’on connoît, mais à prévenir même ceux qu’on ne connoît pas. Enfin cette derniere est établie pour venger les crimes qu’elle soupçonne ; & la premiere employoit plus les menaces que les punitions pour les crimes, même avoués par leurs auteurs.

Dans toute magistrature, il faut compenser la grandeur de la puissance par la briéveté de sa durée. Un an est le temps que la plupart des législateurs ont fixé ; un temps plus long seroit dangereux, un plus court seroit contre la nature de la chose. Qui est-ce qui voudroit gouverner ainsi ses affaires domestiques ? À Raguse[1] le chef de la république change tous les mois, les autres officiers toutes les semaines, le gouverneur du château tous les jours.

  1. Voyages de Tournesort.