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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/239

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Liv. IV. Chap. II.

supplions votre Majesté d’employer nos bras & nos vies à choses faisables ». Ce grand & généreux courage regardoit une lâcheté comme une chose impossible.

Il n’y a rien que l’honneur prescrive plus à la noblesse, que de servir le prince à la guerre. En effet, c’est la profession distinguée, parce que ses hasards, ses succès & ses malheurs même conduisent à la grandeur. Mais, en imposant cette loi, l’honneur veut en être l’arbitre ; & s’il se trouve choqué, il exige ou permet qu’on se retire chez soi.

Il veut qu’on puisse indifféremment aspirer aux emplois ou les refuser ; il tient cette liberté au-dessus de la fortune même.

L’honneur a donc ses regles suprêmes, & l’éducation est obligée de s’y conformer[1]. Les principales sont, qu’il nous est bien permis de faire cas de notre fortune, mais qu’il nous est souverainement défendu d’en faire aucun de notre vie.

La seconde est, que lorsque nous

  1. On dit ici ce qui est, & non pas ce qui doit être : L’honneur est un préjugé, que la religion travaille tantôt à détruire, tantôt à régler.