Aller au contenu

Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
Liv. V. Chap. VIII.


L’esprit de modération est ce qu’on appelle la vertu dans l’aristocratie ; il y tient la place de l’esprit d’égalité dans l’état populaire.

Si le faste & la splendeur qui environnent les Rois, font une partie de leur puissance, la modestie & la simplicité des manieres font la force des nobles aristocratiques[1]. Quand ils n’affectent aucune distinction, quand ils se confondent avec le peuple, quand ils sont vêtus comme lui, quand ils lui font partager tous leurs plaisirs, il oublie sa foiblesse.

Chaque gouvernement a sa nature & son principe. Il ne faut donc pas que l’aristocratie prenne la nature & le principe de la monarchie ; ce qui arriveroit, si les nobles avoient quelques prérogatives personnelles & particulieres, distinctes de celles de leur corps : les privileges doivent être pour le sénat, & le simple respect pour les sénateurs.

Il y a deux sources principales de

  1. De nos jours les Vénitiens, qui, à bien des égards, se sont conduits très-sagement, déciderent sur une dispute entre un noble Vénitien & un gentilhomme de Terre ferme, pour une préférence dans une église, que hors de Venise un noble Vénitien n’avoit point de prééminence sur un autre citoyen.