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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/297

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Liv. V. Chap. XIV.

lui-même, que celui où le prince se déclare propriétaire de tous les fonds de terre & l’héritier de tous ses sujets. Il en résulte toujours l’abandon de la culture des terres ; & si d’ailleurs le prince est marchand, toute espece d’industrie est ruinée.

Dans ces états, on ne répare, on n’améliore rien[1]. on ne bâtit de maisons que pour la vie ; on ne fait point de fossés, on ne plante point d’arbres ; on tire tout de la terre, on ne lui rend rien ; tout est en friche, tout est désert.

Pensez-vous que des lois qui ôtent la propriété des fonds de terre & la succession des biens, diminueront l’avarice & la cupidité des grands ? Non : elles irriteront cette cupidité & cette avarice. On sera porté à faire mille vexations, parce qu’on ne croira avoir en propre que l’or ou l’argent que l’on pourra voler ou cacher.

Pour que tout ne soit pas perdu, il est bon que l’avidité du prince soit modérée par quelque coutume. Ainsi en Turquie, le prince se contente ordinairement de prendre trois pour cent sur

  1. Voyez Ricaut, état de l’empire Ottoman, page. 196.