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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/304

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De l’esprit des Lois,

grande confiance que l’on doit avoir dans la probité des citoyens, & de la douceur que doit inspirer une forme de gouvernement que chacun semble s’être donnée lui-même.

Si dans la république Romaine les législateurs avoient établi la cession de biens[1], on ne seroit pas tombé dans tant de séditions & de discordes civiles, & on n’auroit point essuyé les dangers des maux, ni les périls des remedes.

La pauvreté & l’incertitude des fortunes dans les états despotiques, y naturalisent l’usure, chacun augmentant le prix de son argent à proportion du péril qu’il y a à le pénétrer. La misere vient donc de toutes parts dans ces pays malheureux ; tout y est ôté, jusqu’à la ressource des emprunts.

Il arrive de-là qu’un marchand n’y sauroit faire un grand commerce ; il vit au jour la journée : s’il se chargeoit de beaucoup de marchandises, il perdroit plus par les intérêts qu’il donneroit pour les payer, qu’il ne gagneroit sur les marchandises. Aussi les lois sur

  1. Elle ne fut établie que par la loi Julie, De cessione bonorum. On évitoit la prison & la section ignominieuse des biens.