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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/322

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De l’esprit des Lois,

noblesse eût une certaine consistance, afin que le propriétaire du fief fût en état de servir le prince. Cela a dû produire bien des variétés : par exemple, il y a des pays où l’on n’a pu partager les fiefs entre les freres ; dans d’autres, les cadets ont pu avoir leur subsistance avec plus d’étendue.

Le monarque, qui connoît chacune de ses provinces, peut établir diverses lois, ou souffrir différentes coutumes. Mais le despote ne connoît rien, & ne peut avoir d’attention sur rien ; il lui faut une allure générale ; il gouverne par une volonté rigide qui est par-tout la même ; tout s’applanit sous ses pieds.

À mesure que les jugemens des tribunaux se multiplient dans les monarchies, la jurisprudence se charge de décisions, qui quelquefois se contredisent ; ou parce que les juges qui se succedent pensent différemment ; ou parce que les affaires sont tantôt bien, tantôt mal défendues ; ou enfin par une infinité d’abus qui se glissent dans tout ce qui passe par la main des hommes. C’est un mal nécessaire, que le législateur corrige de temps en temps, comme contraire même à l’esprit des gouvernemens modérés.