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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/337

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Liv. VI. Chap. V.

comment on y vendoit les jugemens & même les lois.

Les lois sont les yeux du prince ; il voit par elles ce qu’il ne pourroit pas voir sans elles. Veut-il faire la fonction des tribunaux ? Il travaille non pas pour lui, mais pour ses séducteurs contre lui.




CHAPITRE VI.

Que dans la monarchie les ministres ne doivent pas juger.


C’est encore un grand inconvénient dans la monarchie, que les ministres du prince jugent eux-mêmes les affaires contentieuses. Nous voyons encore aujourd’hui des états où il y a des juges sans nombre pour décider les affaires fiscales, & où les ministres, qui le croiroit ! veulent encore les juger. Les réflexions viennent en foule, je ne ferai que celle-ci.

Il y a par la nature des choses, une espece de contradiction entre le conseil du monarque & de ses tribunaux. Le conseil des rois doit être composé de peu de personnes, & les tribunaux de judicature en demandent beaucoup. La raison en est que dans le premier, on doit prendre les affaires avec une certaine passion,