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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/350

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De l’esprit des Lois,

ter les enfans avec douceur, parce qu’ils s’obstinent contre les peines ; que les esclaves ne doivent point être trop rudement traités, parce qu’ils se mettent d’abord en défense. Par l’esprit qui doit régner dans le gouvernement domestique, n’auroit-on pas pu juger de celui qu’on devoit porter dans le gouvernement politique & civil ?

Un législateur sage auroit cherché à ramener les esprits par un juste tempérament des peines & des récompenses ; par des maximes de philosophie, de morale & de religion assorties à ces caractères ; par la juste application des regles de l’honneur ; par le supplice de la honte ; par la jouissance d’un bonheur constant & d’une douce tranquillité. Et s’il avoit craint que les esprits, accoutumés à n’être arrêtés que par une peine cruelle, ne pussent plus l’être pas une plus douce, il auroit agit[1] d’une maniere sourde & insensible ; il auroit dans les cas particuliers les plus graciables modéré la peine du crime, jusqu’à ce qu’il eût pu parvenir à la modifier dans tous les cas.

  1. Remarquez bien ceci comme une maxime de pratique, dans les cas où les esprits ont été gâtés par des peines trop rigoureuses.