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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/379

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Liv. VII. Chap. VI.

peut devenir si nombreux, & d’un autre côté les moyens de le faire subsister peuvent être si incertains, qu’il est bon de l’appliquer tout entier à la culture des terres. Dans ces états le luxe est dangereux, & les lois somptuaires y doivent être rigoureuses. Ainsi pour savoir s’il faut encourager le luxe ou le proscrire, on doit d’abord jeter les yeux sur le rapport qu’il y a entre le nombre du peuple, & la facilité de le faire vivre. En Angleterre, le sol produit beaucoup plus de grains qu’il ne faut pour nourrir ceux qui cultivent les terres, & ceux qui procurent les vêtemens : il peut donc y avoir des arts frivoles, & par conséquent du luxe. En France il croît assez de blé pour la nourriture des laboureurs & de ceux qui sont employés aux manufactures. De plus, le commerce avec les étrangers peut rendre pour des choses frivoles tant de choses nécessaires, qu’on n’y doit guere craindre le luxe.

À la Chine, au contraire, les femmes sont si fécondes, & l’espece humaine s’y multiplie à un tel point, que les terres, quelque cultivées qu’elles soient, suffisent à peine pour la nourriture des habitans. Le luxe y est donc pernicieux, &