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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/386

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De l’esprit des Lois,

république. L’institution du tribunal domestique[1] suppléa à la magistrature établie chez les Grecs[2].

Le mari assembloit les parens de la femme ; & la jugeoit devant eux[3]. Ce tribunal maintenoit les mœurs dans la république. Mais ces mêmes mœurs maintenoient ce tribunal. Il devoit juger non-seulement de la violation des mœurs. Or pour juger de la violation des mœurs, il faut en avoir.

Les peines de ce tribunal devoient être arbitraires, & l’étoient en effet ; car tout ce qui regarde les mœurs, tout ce qui regarde les regles de la modestie, ne peut guere être compris sous un code de lois. Il est aisé de régler par des lois

  1. Romulus institua ce tribunal, comme il paroît par Denys d’Halicarnasse, liv. II, p. 96.
  2. Voyez dans Tite-Live, liv. XXXIX, l’usage que l’on fit de ce tribunal, lors de la conjuration des bacchanales : on appela conjuration contre la république, des assemblées où l’on corrompoit les mœurs des femmes & des jeunes gens.
  3. Il paroît par Denys d’Halicarnasse, liv. II, que par l’institution de Romulus, le mari, dans les cas ordinaires, jugeoit seul devant les parens de la femme ; & que dans les grands crimes, il la jugeoit avec cinq d’entr’eux. Aussi Ulpien, au titre 6. §. 9, 12 & 13, distingue-t-il dans les jugemens des mœurs, celles qu’il appelle grave d’avec celles qui l’étoient moins, mores graviores, mores leviores.