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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/401

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Liv. VIII. Chap. II.

j’étois riche, j’étois obligé de faire ma cour aux calomniateurs, sachant bien que j’étois plus en état de recevoir du mal d’eux que de leur en faire. La république me demandoit toujours quelque nouvelle somme ; je ne pouvois m’absenter. Depuis que je suis pauvre, j’ai acquis de l’autorité ; personne ne me menace, je menace les autres ; je puis m’en aller ou rester. Déjà les riches se levent de leurs places & me cedent le pas. Je suis un roi, j’étois esclave ; je payois un tribut à la république, aujourd’hui elle me nourrit ; je ne crains plus de perdre, j’espere d’acquérir.

Le peuple tombe dans ce malheur, lorsque ceux à qui il se confie, voulant cacher leur propre corruption, cherchent à le corrompre. Pour qu’il ne voie pas leur ambition, ils ne lui parlent que de sa grandeur ; pour qu’ils n’apperçoive pas leur avarice, ils flattent sans cesse la sienne.

La corruption augmentera parmi les corrupteurs ; & elle augmentera parmi ceux qui sont déjà corrompus. Le peuple se distribuera tous les deniers