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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/423

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Liv. VIII. Chap. XVI.

mains d’un citoyen ; les intérêts se particularisent ; un homme sent d’abord qu’il peut être heureux, grand, glorieux dans sa patrie ; & bientôt, qu’il peut être seul grand sur les ruines de sa patrie.

Dans une grande république, le bien commun est sacrifié à mille considérations ; il est subordonné à des exceptions ; il dépend des accidens. Dans une petite, le bien public est mieux senti, mieux connu, plus près de chaque citoyen ; les abus y sont moins étendus, & par conséquent moins protégés.

Ce qui fit subsister si long-temps Lacédémone, c’est qu’après toutes ses guerres, elle resta toujours avec son territoire. Le seul but de Lacédémone étoit la liberté ; le seul avantage de sa liberté, c’étoit la gloire.

Ce fut l’esprit des Républiques Grecques de se contenter de leurs terres, comme de leurs lois. Athenes prit de l’ambition, & en donna à Lacédémone : mais ce fut plutôt pour commander à des peuples libres, que pour gouverner des esclaves ; plutôt pour être à la tête de l’union, que pour la rompre. Tout fut perdu lorsqu’une monarchie s’éleva ; gouvernement dont