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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/431

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Liv. VIII. Chap. XXI.


La Chine, comme tous les pays où croît le riz[1], est sujette à des famines fréquentes. Lorsque le peuple meurt de faim, il se disperse pour chercher de quoi vivre ; il se forme de toutes parts des bandes de trois, quatre ou cinq voleurs. La plupart sont d’abord exterminées ; d’autres se grossisent, & sont exterminées encore. Mais dans un si grand nombre de provinces, & si éloignées, il peut arriver que quelque troupe fasse fortune. Elle se maintient, se fortifie, se forme en corps d’armée, va droit à la capitale, & le chef monte sur le trône.

Telle est la nature de la chose, que le mauvais gouvernement y est d’abord puni. Le désordre y naît soudain, parce que ce peuple prodigieux y manque de subsistance. Ce qui fait que dans d’autres pays on revient si difficilement des abus, c’est qu’ils n’y ont pas des effets sensibles ; le prince n’y est pas averti d’une maniere prompte & éclatante, comme il l’est à la Chine.

Il ne sentira point, comme nos princes, que s’il gouverne mal, il sera moins heureux dans l’autre vie, moins puissant & moins riche dans celle-ci. Il saura

  1. Voyez ci-dessous, liv. XXIII. chap. 14.