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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/443

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Liv. IX. Chap. VI

jugent la révolution prochaine, la hâtent en n’obéissant pas. Car des gens fideles, uniquement parce que la punition est proche, ne le sont plus dès qu’elle est éloignée ; ils travaillent à leurs intérêts particuliers. L’empire se dissout, la capitale est prise, & le conquérant dispute les provinces avec les gouverneurs.

La vraie puissance d’un prince ne consiste pas tant dans la facilité qu’il y a à conquérir, que dans la difficulté qu’il y a à l’attaquer ; & si j’ose parler ainsi, dans l’immutabilité de sa condition. Mais l’agrandissement des états leur fait montrer de nouveaux côtés par où on peut les prendre.

Ainsi comme les monarques doivent avoir de la sagesse pour augmenter leur puissance, ils ne doivent pas avoir moins de prudence, afin de la borner. En faisant cesser les inconvéniens de la petitesse, il faut qu’ils ayent toujours l’œil sur les inconvéniens de la grandeur.