Aller au contenu

Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/501

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
327
Liv. XI. Chap. VI.

goureuse. Mais les juges de la nation ne sont, comme nous avons dit, que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés, qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur. C’est donc la partie du corps législatif, que nous venons de dire être, dans une autre occasion, un tribunal nécessaire, qui l’est encore dans celle-ci ; c’est à son autorité suprême à modérer la loi, en faveur de la loi-même, en prononçant moins rigoureusement qu’elle.

Il pourroit encore arriver que quelque citoyen, dans les affaires publiques, violeroit les droits du peuple, & feroit des crimes que les magistrats établis ne sauroient ou ne voudroient pas punir. Mais, en général, la puissance législative ne peut pas juger ; & elle le peut encore moins dans ce cas particulier où elle représente la partie intéressée, qui est le peuple. Elle ne peut donc être qu’accusatrice. Mais devant qui accusera-t-elle ? Ira-t-elle s’abaisser devant les tribunaux de la loi qui lui sont inférieurs, & d’ailleurs composés de gens, qui étant peuple comme elle, seroient entraînés par l’autorité d’un si grand