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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/563

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Liv. XII. Chap. V.

l’on s’est faite de son caractere, elle devient dangereuse à proportion de l’ignorance du peuple ; & pour lors un citoyen est toujours en danger, parce que la meilleure conduite du monde, la morale la plus pure, la pratique de tous les devoirs, ne sont pas des garants contre les soupçons de ces crimes.

Sous Manuel Comnene, le protestator[1] fut accusé d’avoir conspiré contre l’empereur, & de s’être servi pour cela de certains secrets qui rendent les hommes invisibles. Il est dit dans la vie de cet empereur[2] que l’on surprit Aaron lisant un livre de Salomon, dont la lecture faisoit paraître des légions de démons. Or en supposant dans la magie une puissance qui arme l’enfer, & en partant de-là, on regarde celui que l’on appelle un magicien, comme l’homme du monde le plus propre à troubler & à renverser la société, & l’on est porté à le punir sans mesure.

L’indignation croît, lorsque l’on met dans la magie le pouvoir de détruire la religion. L’histoire de Constantinople[3]

  1. Nicetas, vie de Manuel Comnene, liv. IV.
  2. Ibid.
  3. Histoire de l’empereur Maurice, par Théophylacte, chap. XI.