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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/587

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Liv. XII. Chap. XIX.


CHAPITRE XIX.

Comment on suspend l’usage de la liberté dans la république.


Il y a, dans les états où l’on fait le plus de cas de la liberté, des lois qui la violent contre un seul, pour la garder à tous. Tels sont, en Angleterre, les bills appellés d’atteindre[1]. Ils se rapportent à ces lois d’Athenes, qui statuoient contre un particulier[2], pourvu qu’elle fussent faites par le suffrage de six mille citoyens. Ils se

  1. Il ne suffit pas, dans les tribunaux du royaume, qu’il y ait une preuve telle que les juges soient convaincus : il faut encore que cette preuve soit formelle, c’est-à-dire, légale ; & la loi demande qu’il y ait deux témoins contre l’accusé ; une autre preuve ne suffiroit pas. Or si un homme présumé coupable de ce qu’on appelle haut crime, avoit trouvé le moyen d’écarter les témoins, de sorte qu’il fût impossible de le faire condamner par la loi, on pourroit porter contre lui un bill particulier d’atteindre ; c’est-à-dire, faire une loi singuliere sur sa personne. On y procede comme pour tous les autres bills : il faut qu’il passe dans deux chambres, & que le roi y donne son consentement ; sans quoi il n’y a point de bill, c’est-à-dire, de jugement. L’accusé peut faire parler ses avocats contre le bill ; & on peut parler dans la chambre pour le bill.
  2. Legem de singulari aliquo ne rogato, nisi sex millibus ità visum. Ex Andocide de mysteriis : c’est l’ostracisme.