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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/77

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de M. de Montesquieu.

tune de ce peuple à des ressorts obscurs & subalternes. Les causes de la grandeur romaine se trouvent donc dans l’histoire ; & c’est au philosophe à les y découvrir. D’ailleurs, il n’en est pas des systêmes dans cette étude, comme dans celle de la Physique. Ceux-ci sont presque toujours précipités, parce qu’une observation nouvelle & imprévue peut les renverser en un instant ; au contraire, quand on recueille avec soin les faits que nous transmet l’histoire ancienne d’un pays, si on ne rassemble pas toujours tous les matériaux qu’on peut désirer, on ne sauroit du moins espérer d’en avoir un jour davantage. L’étude réfléchie de l’histoire, étude si importante & si difficile, consiste à combiner, de la maniere la plus parfaite, ces matériaux défectueux : tel seroit le mérite d’un architecte, qui, sur des ruines savantes, traceroit, de la maniere la plus vraisemblable, le plan d’un édifice antique ; en suppléant, par le génie & par d’heureuses conjectures, à des restes informes & tronqués.

C’est sous ce point de vue qu’il faut envisager l’ouvrage de M. de Montesquieu. Il trouve les causes de la grandeur des Romains dans l’amour de la liberté, du travail & de la patrie, qu’on leur inspiroit dès l’enfance ; dans ces dissentions intestines, qui donnoient du ressort aux esprits,