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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/87

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de M. de Montesquieu.

peuple, il ne devoit pas avoir le peuple pour juge : la profondeur de l’objet étoit une suite de son importance même. Cependant les traits qui étoient répandus dans l’ouvrage, & qui auroient été déplacés s’ils n’étoient pas nés du fond du sujet, persuaderent à trop de personnes qu’il étoit écrit pour elles. On cherchoit un livre agréable, & on ne trouvoit qu’un livre utile, dont on ne pouvoit d’ailleurs, sans quelque attention, saisir l’ensemble & les détails. On traita légérement l’esprit des lois, le titre même fut un sujet de plaisanterie ; enfin, l’un des plus beaux monumens littéraires qui soient sortis de notre nation fut regardé d’abord par elle avec assez d’indifférence. Il fallut que les véritables juges eussent eu le temps de lire : bientôt ils ramenerent la multitude toujours prompte à changer d’avis. La partie du public qui enseigne dicta à la patrie qui écoute ce qu’elle devoit penser & dire ; & le suffrage des hommes éclairés, joint aux échos qui le répéterent, ne forma plus qu’une voix dans toute l’Europe.

Ce fut alors que les ennemis publics & secrets des lettres & de la philosophie (car elles en ont de ces deux especes) réunirent leurs traits contre l’ouvrage. De là, cette foule de brochures qui lui furent lancées de toutes parts, & que nous ne tirerons pas de l’oubli où elles sont déjà plongées. Si