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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/93

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de M. de Montesquieu.

honneur lui fût réservé : mais M. de Montesquieu, d’autant plus avare du temps de M. de la Tour que celui-ci en étoit plus prodigue, se refusa constamment & poliment à ses pressantes sollicitations. M. Dassier essuya d’abord des difficultés semblables. « Croyez-vous, dit-il enfin à M. de Montesquieu, qu’il n’y ait pas autant d’orgueil à refuser ma proposition qu’à l’accepter ? Désarmé par cette plaisanterie, il laissa faire à M. Dassier tout ce qu’il voulut.

L’auteur de l’esprit des lois jouissoit enfin paisiblement de sa gloire, lorsqu’il tomba malade au commencement de février. Sa santé, naturellement délicate, commençoit à s’altérer depuis long-temps, par l’effet lent & presque infaillible des études profondes, par les chagrins qu’on avoit cherché à lui susciter sur son ouvrage, enfin par le genre de vie qu’on le forçoit de mener à Paris, & qu’il sentoit lui être funeste. Mais l’empressement avec lequel on recherchoit sa société étoit trop vif, pour n’être pas quelquefois indiscret ; on vouloit, sans s’en appercevoir, jouir de lui aux dépens de lui-même. À peine la nouvelle du danger où il étoit se fut-elle répandue, qu’elle devint l’objet des conversations & de l’inquiétude publique. Sa maison ne désemplissoit pas de personnes de tout rang qui venoient s’informer de