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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/97

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de M. de Montesquieu.

ration. Cet appareil simple & touchant eût été une belle oraison funebre.

Jusqu’ici nous n’avons considéré monsieur de Montesquieu que comme écrivain & philosophe : ce seroit lui dérober la moitié de sa gloire, que de passer sous silence ses agrémens & ses qualités personnelles.

Il étoit dans le commerce, d’une douceur & d’une gaieté toujours égales. Sa conversation étoit légère, agréable & instructive par le grand nombre d’hommes & de peuples qu’il avoit connus. Elle étoit coupée, comme son style, pleine de sel & de saillies, sans amertume & sans satire. Personne ne racontoit plus vivement, plus promptement, avec plus de grace & moins d’apprêt. Il savoit que la fin d’une histoire plaisante en est toujours le but ; il se hâtoit donc d’y arriver, & produisoit l’effet sans l’avoir promis.

Ses fréquentes distractions ne le rendoient que plus aimable ; il en sortoit toujours par quelque trait inattendu, qui réveilloit la conversation languissante : d’ailleurs, elles n’étoient jamais, ni jouées, ni choquantes, ni importunes. Le feu de son esprit, le grand nombre d’idées dont il étoit plein, les faisoient naître ; mais il n’y tomboit jamais au milieu d’un entretien intéressant ou sérieux : le désir de plaire à