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De l’esprit des Lois,

Lorsqu’il y a beaucoup d’affranchis, il faut que les lois civiles fixent ce qu’ils doivent à leur patron, ou que le contrat d’affranchissement fixe ces devoirs pour elles.

On sent que leur condition doit être plus favorisée dans l’état civil que dans l’état politique ; parce que dans le gouvernement même populaire, la puissance ne doit point tomber entre les mains du bas peuple.

À Rome, où il y avoit tant d’affranchis, les lois politiques furent admirables à leur égard. On leur donna peu, & on ne les exclut presque de rien ; ils eurent bien quelque part à la législation, mais ils n’influoient presque point dans les résolutions qu’on pouvoit prendre. Ils pouvoient avoir part aux charges & au sacerdoce même[1] ; mais ce privilege étoit en quelque façon rendu vain par les désavantages qu’ils avoient dans les élections. Ils avoient droit d’entrer dans la milice ; mais pour être soldat, il falloit un certain cens. Rien n’empêchoit les affranchis[2] de s’unir par mariage avec les familles ingénues ; mais il

  1. Tacite, annal. liv. III.
  2. Harangue d’Auguste, dans Dion, liv. LVI.