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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 2.djvu/126

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De l’esprit des Lois,

accorde, on ne peut guere les regarder comme des affranchis. Car comme ils ne peuvent avoir de famille, ils sont par leur nature attachés à une famille, & ce n’est que par une espece de fiction qu’on peut les considérer comme citoyens.

Cependant il y a des pays où on leur donne toutes les magistratures : « Au Tonquin[1], dit Dampierre[2], tous les mandarins civils & militaires sont eunuques ». Ils n’ont point de famille ; & quoiqu’ils soient naturellement avares, le maître ou le prince profitent à la fin de leur avarice même.

Le même Dampierre[3] nous dit que, dans ce pays, les eunuques ne peuvent se passer de femmes, & qu’ils se marient. La loi qui leur permet le mariage, ne peut être fondée, d’un côté, que sur la considération que l’on y a pour de pareilles gens ; & de l’autre, sur le mépris qu’on y a pour les femmes.

Ainsi l’on confie à ces gens-là les magistratures, parce qu’ils n’ont point de

  1. C’étoit autrefois de même à la Chine. Les deux Arabes Mahométans qui y voyagerent au neuvieme siecle, disent l’eunuque, quand ils veulent parler du gouverneur d’une ville.
  2. Tome III. page 91.
  3. Ibid. pag. 94.