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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 2.djvu/253

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Liv. XIX. Chap. XXVII.


La haine qui seroit entre les deux partis dureroit, parce qu’elle seroit toujours impuissante.

Ces partis étant composés d’hommes libres, si l’un prenoit trop le dessus, l’effet de la liberté seroit que celui-ci seroit abaissé, tandis que les citoyens, comme les mains qui secourent le corps, viendroient relever l’autre.

Comme chaque particulier, toujours indépendant suivroit beaucoup ses caprices & ses fantaisies, on changeroit souvent de parti : on en abandonneroit un où l’on laisseroit tous ses amis, pour se lier à un autre dans lequel on trouveroit tous ses ennemis ; & souvent, dans cette nation, on pourroit oublier les lots de l’amitié & celles de la haine.

Le monarque seroit dans le cas des particuliers ; & contre les maximes ordinaires de la prudence, il seroit souvent obligé de donner sa confiance à ceux qui l’auroient le plus choqué, & de disgracier ceux qui l’auroient le mieux servi, faisant par nécessité ce que les autres princes font par choix.

On craint de voir échapper un bien que l’on sent, que l’on ne connoît guere, & qu’on peut nous déguiser ; & la