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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 2.djvu/256

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De l’esprit des Lois,


Car tout homme qui a assez de force pour chasser celui qui est déjà le maître absolu dans un état, en a assez pour le devenir lui-même.

Comme, pour jouir de la liberté, il faut que chacun puisse dire ce qu’il pense ; & que, pour la conserver, il faut encore que chacun puisse dire ce qu’il pense ; un citoyen, dans cet état, diroit & écriroit tout ce que les lois ne lui ont pas défendu expressément de dire, ou d’écrire.

Cette nation, toujours échauffée, pourroit plus aisément être conduite par ses passions que par la raison, qui ne produit jamais de grands effets sur l’esprit des hommes ; & il seroit facile à ceux qui la gouverneroient, de lui faire faire des entreprises contre ses véritables intérêts.

Cette nation aimeroit prodigieusement sa liberté, parce que cette liberté seroit vraie : & il pourroit arriver que, pour la défendre, elle sacrifieroit son bien, son aisance, ses intérêts ; qu’elle se chargeroit des impôts les plus durs, & tels que le prince le plus absolu n’oseroit les faire supporter à ses sujets.

Mais comme elle auroit une con-