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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 4.djvu/342

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Lysimaque.

vous servit à remporter tant de victoires, l’est encore depuis que vous les avez remportées. Je suis Grec, Seigneur ; & ce nom vous l’avez élevé si haut, que, sans vous faire tort, il ne nous est plus permis de l’avilir. »

Les vices d’Alexandre étoient extrêmes, comme ses vertus : il étoit terrible dans sa colere ; elle le rendoit cruel. Il fit couper les pieds, le nez & les oreilles de Callisthene ; ordonna qu’on le mît dans une cage de fer ; & le fit porter ainsi à la suite de l’armée.

J’aimois Callisthene ; & de tout temps, lorsque mes occupations me laissoient quelques heures de loisir, je les avois employées à l’écouter : & si j’ai de l’amour pour la vertu, je le dois aux impressions que ses discours faisoient sur moi. J’allai le voir. « Je vous salue, lui dis-je, illustre malheureux, que je vois dans une case de fer, comme on enferme une bête sauvage, pour avoir été le seul homme de l’armée. »

« Lysimaque, me dit-il, quand je suis dans une situation qui demande de la force & du courage, il me semble que