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Page:Montpetit - Au Service de la Tradition française, 1920.djvu/35

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Les années ont passé sur cette douleur et l’ont endormie. Robert Lescœur s’interroge. Il cherche maintenant la grande voie de l’avenir. « Je viens d’avoir trente-trois ans, écrit-il sur un nouveau cahier, celui de l’ambition. Il est grand temps que je m’oriente… J’ai pris la ferme résolution d’agir. Je n’ai que trop sacrifié aux rêveries vagues, aux mélancolies funestes, à tous les romantismes du sentiment et de la pensée. Ils me conduisaient à la porte du tombeau, et je veux vivre. Agir pour vivre, vivre pour agir, telle est la formule de bonheur à laquelle j’ai fini par aboutir, soit que j’aie réfléchi dans l’abstrait à la condition humaine, soit que j’aie considéré mon propre tempérament et ses vicissitudes. Agir, agir. L’action est saine et salutaire. Elle chassera les fantômes qui trop souvent m’attristent et m’obsèdent ; elle disciplinera la violence de mes désirs. Je suis comme une capricieuse machine, dont la marche est tantôt trop lente et tantôt trop hâtive, je veux lui imprimer le rythme égal et harmonieux de l’action. » Je veux, telle sera donc la devise qui stimulera, qui justifiera son effort. Vivre, c’est vouloir, c’est agir. Vivre, n’est-ce pas plutôt oublier ? Lisons, par-dessus son épaule, ces mots, les derniers de sa confidence du 2 mars 1886 : « Laissons dormir dans un tiroir ce cahier que je n’ai le courage ni de brûler, ni de relire, ce cahier rouge, couleur d’incendie.