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Page:Moran - Pourquoi le mort jouait-il du piano, 1944.djvu/11

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êtes rassurant… Je pense que, puisqu’il en est ainsi, il convient que moi aussi, je mène mon enquête, de mon côté…

— Pour votre propre compte ou pour celui de votre journal ?

— Pour les deux… Ce sera sensationnel et… captivant, ajoutai-je en m’efforçant de prendre un air détaché.

— Dans ce cas, si vous devez publier les résultats de votre… enquête dans le « Soir », je me verrai dans la stricte nécessité de m’abstenir de vous communiquer les miens…

— Pourquoi ?

— Parce que vous n’auriez rien de plus pressé que de les divulguer et que cela pourrait nous gêner… mutuellement.

— Alors, chacun pour soi…

— Et la Justice pour tous, conclut-il avec un sourire ironique… Maintenant, faites enlever le corps ! ordonna-t-il aux gardiens. Qu’on le transporte à l’Institut médico-légal aux fins d’autopsie… et rentrons… que je fasse mon rapport !

Emportant le corps, ils gagnèrent la sortie.

— Vous permettez que j’emmène cette hache ? C’est une pièce à conviction indispensable pour l’enquête et dont l’absence ne saurait, vraisemblablement, vous gêner pour vos recherches… personnelles…

— Nullement, répondis-je, tandis qu’il sortait.

— Il faut aussi que l’on voit si l’on peut découvrir quelque empreinte digitale sur le manche, ajouta-t-il en posant le pied sur la première marche.

Et je refermai ma porte. Fébrile, je m’assis devant mon bureau et tentai d’écrire mon « papier » vécu. J’y renonçai cependant, presque aussitôt…

J’étais à bout de forces… Maintenant que j’étais seule, toute la superbe que je m’étais efforcée de conserver devant l’inspecteur m’abandonnait brusquement… J’étais comme un pantin brisé… Non, cent fois non, je n’écrirai pas un tel reportage… C’était au-dessus de mes forces…


CHAPITRE II

Un bruit de ferraille me fit sursauter. D’un bond, je sautai à bas de mon divan…

Ce n’était que le fracas des bidons que les laitiers déposaient, au mépris du sommeil paisible des citadins, devant la porte des crémeries… Je regardai ma montre. Il n’était que cinq heures du matin. Un jour blafard se levait… Je compris alors que je m’étais endormie… Ah ! si tout cela n’avait pu être qu’un cauchemar…

Après le départ des policiers, je m’étais étendue, sans prendre même le soin de me dévêtir et j’étais restée à songer intensément à toute la gravité de ma situation. L’angoisse que l’on pût m’accuser m’étreignait…

Si la police ne parvenait pas à découvrir une piste quelle qu’elle soit, elle finirait, un jour ou l’autre, par se retourner contre moi… Cette expectative me causait une vive terreur et pendant des heu-