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Ce pressentiment reçut confirmation dès son arrivée à l’écurie, où le garçon de service accourut vers lui effaré et criant :

— Venez vite, monsieur Pitois ! Madhi…

Pitois courut aussitôt au box du cheval de son maître. Allongé sur sa litière, Madhi tremblait de tous ses membres, tandis que de sa bouche s’échappait une bave épaisse. À cette vue, le chef d’écurie ne douta plus. Une main criminelle avait jeté dans la mangeoire de la bête, au cours de la nuit, la drogue qui devait la rendre à quelques heures de distance, furieuse, indomptable.

Le pauvre Madhi se débattit soudain furieusement dans son box, puis ses jambes s’allongèrent tandis que ses yeux devenaient vitreux. Il était mort.

Sans plus attendre, Pitois prit la décision qui convenait. Il fit seller un cheval au garçon de service et lui commanda :

— Cours chercher M. Trubert, le vétérinaire. Et au galop !

En attendant le retour de son garçon, Pitois s’installa sur la porte de l’écurie, bien décidé à en interdire l’accès à qui que ce fût, tant que l’homme de l’art n’aurait pas procédé aux constatations indispensables.

Le vétérinaire écouta attentivement Pitois, examina le corps de Madhi allongé dans la paille, puis donna son avis de façon précise, indiscutable.

— On a drogué ce cheval, dit-il, avec un produit à base de strychnine, produit qu’on a jeté dans sa mangeoire au cours de la nuit. La mort de ce pauvre Brissot est incontestablement le résultat d’un acte criminel sur lequel il importe que la lumière soit faite dans le plus bref délai possible. Je vais aviser le Parquet.

M. Trubert partit immédiatement dans son auto et, dans le courant de l’après-midi, les magistrats arrivaient procéder aux premières constatations.

Crime d’intérêt ? Vengeance domestique ?

Ce fut à l’inspecteur Versy, qui les accompagnait, qu’allait échoir la tâche difficile d’élucider ce douloureux problème.

Avant de procéder à aucun interrogatoire, l’inspecteur eut un long entretien avec l’homme le mieux qualifié pour le renseigner, le chef d’écurie Pitois.

II
Petite mais importante trouvaille

— Voulez-vous m’expliquer, demanda Versy à Pitois, comment était organisé le système de surveillance des écuries ?

— Les écuries comprennent trente box, précisa Pitois, et chacun de ces box est fermé par une serrure qui s’ouvre à l’aide d’un carré. Chaque soir, à six heures, un garçon d’écurie prend la garde jusqu’au matin et couche sur un lit de sangle placé contre le coffre à avoine. Nul, sauf M. Brissot de son vivant et moi, ne pouvait pénétrer dans les écuries au cours de la nuit.

— Voulez-vous faire appeler le garçon qui était de service la nuit dernière.

Quelques instants plus tard, arrivait un grand gaillard d’une vingtaine d’années qui, dès les premiers mots, se défendit énergiquement d’avoir commis la moindre faute de service. (À suivre).


Imp. Martin-Mamy, Crouan et Roques, Lille-Paris