Aller au contenu

Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 143 —

cœur au milieu de cette volupté sans nom des sens et de l’âme ; mais Wigelius ne pouvait deviner les paroles jamais montées aux lèvres et son silence obstiné était contagieux. Quelqu’un, tout à coup, se plaça entre eux et leur prit le bras ; ils se retournèrent mais ne le reconnurent pas. Pourtant, depuis le commencement de la traversée, ils avaient eu le temps de faire connaissance avec tous les visages. Comme ils allaient interroger le nouveau venu, Dolbret leur dit :

— Mauvaises gens, vous ne reconnaissez pas vos amis ; ne reconnaissez-vous pas le Dean ?

— Quelle imprudence, dit Wigelius, de vous affubler de la barbe du Dean ; s’il allait vous reconnaître, il se vengerait.

— Pas de danger, mon cher, il est dans sa cabine, je l’ai entendu tantôt qui blasphémait comme un forcené.

— Alors ?

— Alors, il n’est pas dangereux, puisqu’il ne peut pas sortir.

— Mais vous n’avez pas l’intention de garder le menton de ce garçon-là indéfiniment ?

— Non, pas indéfiniment, seulement pour la soirée. Il me semble que c’est bien de l’honneur à lui faire, moi honnête homme, de me faire passer pour lui, un chenapan. En attendant, je ris dans sa barbe. Nous allons être bien ici pour assister au bain. Cette nacelle est jolie à voir.

— Je le crois bien, on a mis à contribution tous les chiffons de papier de soie qu’on a pu trouver peur confectionner les herbes marines qui l’entourent. Je me demande pourquoi on l’a placée à l’arrière.