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Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/15

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mille quoi, qu’ils ont pris ? C’est-y douze mille cochons, douze mille moutons, quoi, enfin ?

Stupid fellow, murmura un Anglais que son faux-col, haut de trois pouces, prenait à la gorge, c’est douze mille Boers

— Douze mille Boers prisonniers ?

— Oui, oui, hurla un militaire qui dévalait de la Côte de la Montagne, tout reluisant et chamarré, douze mille Boers pris par le général Whyte, devant Ladysmith, Hourra !

Hourra ! fit un Syrien qui venait de s’arrêter et de déposer sur le sol de multiples paquets.

Il allait continuer quand sa bouche fut brutalement fermée par la main calleuse et rude de l’homme aux cochons, dont le patriotisme n’avait pas de ces enthousiasmes. Cet incident significatif fit cesser les clameurs pendant une seconde. Une bonne taloche fait toujours de l’effet, même sur ceux qui ont eu la chance de l’éviter. Au même moment, la charrette ayant laissé choir un des cochons, la foule des badauds se précipita pour le ramasser. Son propriétaire avait déjà gagné les sympathies. L’Anglais apoplectique profita du brouhaha pour pousser rageusement sa canne dans le dos du « Stupid fellow ». Il y avait du grabuge dans l’air. Les voyous et les loustics (ces voyous de bonne maison) s’en donnaient à cœur joie.

— Voyons, vous autres, fit un étudiant en enfonçant son béret sur ses yeux, ne tuez pas ce bonhomme-là, ils sont assez de morts dans sa charrette sans lui.

Le mot eut du succès ; c’était si ennuyeux d’attendre.