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Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/268

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XX

OÙ IL EST QUESTION D’UN CHEVALIER DU SAINT-SÉPULCRE, D’UN TRAIN BLINDÉ ET D’UN VIEUX POÊLE


Dolbret avait eu tout l’après-midi pour réfléchir. D’abord, il s’était laissé abattre ; on eût dit un homme frappé d’un mal affreux, paralysé, ou blessé à mort. L’intelligence même semblait s’être échappée de lui ; sa pensée restait hagarde comme son œil, son être n’était plus autre chose qu’une masse de chair à demi-morte, écrasée, immobilisée par une main puissante. Ce qui mettait l’ombre dans son âme, c’était la sensation plutôt que la comparaison d’un tel effet avec une si petite cause : l’anéantissement de toutes ses espérances, la perte d’une grande fortune, surtout la perte d’un bonheur ardemment désiré, et cela pour une folie d’un moment. Il avait compris le désespoir des damnés, et ce qu’il se rappelait de philosophie lui avait paru puéril devant la brutalité du fait. Il s’était découragé de la lutte de l’esprit contre la force des choses, de l’effort d’intelligence à fournir contre l’inertie toute-puissante de l’autorité qui le jugerait ; il avait voulu mourir. Se rendant compte de son peu de consistance, de sa légèreté, du manque de suite dans tout ce qu’il avait fait jusque-là, il avait pris un douloureux plaisir à se disséquer lui-même ; il avait découvert une absence