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Page:Morice - Aux sources de l'histoire manitobaine, 1907.pdf/116

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Je sais que sous ce rapport la situation n’est pas ce qu’elle devrait être au Nord-Ouest. Mais les pasteurs que Dieu y a préposés à la garde du troupeau sont vigilants, et il est permis d’espérer qu’avec une immigration plus forte de Québec et des pays français, ajoutée à l’augmentation naturelle de la population actuelle, l’influence des nôtres pourra avant peu s’exercer en faveur d’une amélioration sensible, sinon d’une solution tout à fait satisfaisante, de la question scolaire.

Je viens de mentionner l’immigration de gens de notre langue. C’est là, ce me semble, un troisième appoint à notre cause qui mérite l’attention de ceux qui ont à cœur l’avenir de la race française au Canada central. Qu’on considère un instant les efforts désespérés que font les sociétés de colonisation anglaises et même les gouvernements des différentes provinces de l’Ouest. Qu’on observe les éléments étrangers qui, tout disparates qu’ils paraissent aujourd’hui, n’en seront pas moins uniformément anglais demain, et l’on verra s’il n’est pas temps de se remuer et d’essayer de réparer le temps perdu en s’efforçant de diriger vers les plaines du Manitoba et des nouvelles provinces canadiennes tous les éléments sains, qu’ils soient français, belges ou suisses, qu’on pourra détacher des vieux pays d’Europe.

Et, à ce propos, me sera-t-il permis de solliciter au nom de ces étrangers qui briguent l’honneur d’être nos frères, l’aumône d’un peu d’indulgence pour les petits travers qu’on pourrait remarquer en eux ? J’ai souvent lu que le Français est de tous les peuples le moins bien reçu dans la province de Québec. C’est là une anomalie à laquelle j’ai toujours peine à croire. À tout cœur bien né la patrie absente est chère, et tout ce qui la rappelle, mœurs et coutumes, pratiques journalières, et jusqu’aux différentes particularités qui se rattachent au travail des champs, ne saurait s’oublier par le fait même qu’on a foulé le sol d’un nouveau pays. Qu’on veuille bien prendre patience : le Français et le Belge du Nord-Ouest peuvent avoir des préférences qui paraissent étranges, sinon ridicules, dans ces contrées si différentes de leur patrie respective ; le souvenir de celle-ci peut faire battre leur cœur plus fortement que la pensée de leur pays adoptif, mais leurs enfants seront canadiens, et les petits travers d’aujourd’hui disparaîtront avec la nouvelle génération qui sera étroitement unie par les tiens de la langue et formera une population parfaitement homogène en dépit des divergences de nos ancêtres.