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AUX SOURCES


DE


L’HISTOIRE MANITOBAINE




La nation canadienne est la fille aînée de la France, et chacun sait qu’elle a toujours fait honneur à sa mère. Dès sa plus tendre enfance, ses qualités morales lui ont assuré une vitalité vraiment prodigieuse, et maintenant qu’elle a atteint un âge dont peu de peuples américains peuvent se glorifier, elle paraît encore dans la plénitude des forces d’une jeunesse qui promet beaucoup pour l’avenir. Pendant que la mère-patrie se débat dans ce que d’aucuns pourraient regarder comme une agonie sénile, mais qui, espérons-le, n’est que l’effet d’un empoisonnement auquel elle survivra, le Canada, sain et vigoureux, croît et se développe sous l’égide de ce qui fut toujours le principe de son bien-être moral et matériel, l’Église et son code moral.

Il est, je crois, inouï dans l’histoire qu’une population qui n’excédait pas celle d’une de nos villes modernes de second ordre ait pu, non seulement résister aux flots d’une invasion étrangère et garder son homogénéité raciale malgré les mesures persécutrices d’un pouvoir qui voulait la traiter en vaincue, mais encore prospérer et refouler l’élément hétérogène qui pensait l’étouffer, et se multiplier dans le cours d’un siècle et demi au point d’atteindre un chiffre au moins trente fois plus élevé qu’il n’était de son origine.

Elle a fait plus. Ayant senti le besoin d’essaimer, elle a fondé des colonies jusqu’aux États-Unis et dans les immenses plaines du Canada central. Des premières je n’aurai rien à dire dans les pages qui vont suivre. Elles n’ont point d’histoire, et partant aucun souvenir à évoquer. Au contraire, leur rôle est nécessairement des plus effacés, et leur position, au simple point de vue social, ne peut se comparer à celle des colons restés fidèles au sol natal. Je me permettrai même de déplorer cette émigration comme un désastre pour la race, une déperdition de forces qui