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Page:Morice - Aux sources de l'histoire manitobaine, 1907.pdf/7

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kenzie ne dut pas s’embarrasser d’un enfant de dix ans[1]. Je serais même tenté de reculer de quelques années la date suggérée par M. Prud’homme.

Quoi qu’il en soit, François Beaulieu peut être regardé comme le doyen des métis français au Nord-Ouest canadien, et, étant donné la place que leur race doit occuper dans les annales du Manitoba, je ne crois pas ces détails un hors-d’œuvre.

J’ajouterai même que Beaulieu était le type du « voyageur » ou coureur des bois.

En mars 1820, il était déjà si familier avec la géographie du grand nord, que sir John Franklin eut recours à ses lumières pour se fixer sur la voie qu’il avait à suivre dans son exploration. À cet effet, le métis lui traça une carte grossière du cours de la Coppermine et de la côle attenante, qui devait être si correcte qu’un Indien entrant pendant qu’il était à l’œuvre reconnut immédiatement le pays qu’elle représentait[2].

Ceci se passait au fort Wedderburne, le poste que la Compagnie de la baie d’Hudson entretenait sur une île en face du fort Chippewayan, établi par la Compagnie du Nord-Ouest sur le littoral du lac Athabasca. Beaulieu devint plus tard le chasseur attitré et l’interprète de sir John pendant le temps que l’explorateur passa au Grand Lac des Ours.

  1. Il commença son voyage en 1792. Par une étrange inconséquence avec lui-même ou avec le récit de son héros, le P. Petitot écrit ailleurs dans ses Traditions indiennes, que Beaulieu mourut en 1875 à l’âge de 101 ans et quelques jours (p. 416). De son côté, — quandoque bonus dormitat Homerus, M. Prud’homme, après l’avoir dûment traité de métis, dans son excellent travail sur l’élément français au Nord-Ouest, s’oublie jusqu’à dire, dans la même brochure, (p. 33), qu’il était le doyen des Canadiens-Français du Nord-Ouest, et fait suivre la notice qu’il lui consacre des initiales C. -F. Puis, 23 pages plus loin, il nous présente un Étienne Beaulieu, qu’il dit avoir été fils de François Beaulieu, établi comme son père à la rivière au Sel, et il termine en nous assurant que celui-là encore était regardé comme le doyen des Métis. Enfin je me permettrai de remarquer, avec tout le respect dû à un chercheur qui a bien mérité de la patrie canadienne, que Laurent Leroux ne put trouver de Chippeways au Grand Lac des Esclaves, vu que cette tribu avait alors ou peu auparavant son habitat sur les bords du lac Supérieur. Elle est de race algonquine, tandis que celle à laquelle notre auteur fait allusion, la tribu montagnaise, appelée par les Anglais Chippewayan, appartient au stock déné. Chippeway et Chippewayan se ressemblent tellement au point de vue phonétique, qu’ils donnent souvent lieu à cette méprise contre laquelle le meilleur historien ne saurait se garder, sans études préalables, dans un champ scientifique qui n’est point le sien. (Voir L’élément français au Nord-Ouest, p. 50).
  2. Franklin, Journal to the Shore of the Polar Sea, vol. II, p. 25. Londres,  1829.