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Page:Morice - Aux sources de l'histoire manitobaine, 1907.pdf/79

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de sa composition qui n’avait rien de commun avec l’étendard d’Angleterre ? La réponse à cette objection que beaucoup croient formidable est facile. Le drapeau anglais comme tel était inconnu à la Rivière-Rouge. Sous le gouvernement de la Compagnie de la Baie d’Hudson, celle-ci ne faisait usage que de son propre emblème. Puis, quand les étrangers d’Ontario furent venus s’imposer au pays, ils se groupèrent, non pas à l’ombre du drapeau britannique, mais d’un étendard qui, tout en portant les couleurs de ce dernier, en avait le sens dénaturé par l’apposition du mot Canada en grosses lettres. Au lieu de symboliser l’autorité de la couronne d’Angleterre, ce pavillon était devenu entre les mains des Ontariens un instrument de discorde, l’emblème d’aspirations politiques propres à une minorité infime qui s’était rendue odieuse au reste de la population.

Quand les fautes de McDougall eurent insensiblement porté Riel et son parti à la tête des affaires, ceux-ci ne firent donc qu’imiter leurs devanciers en se créant un drapeau de signification restreinte. Les Canadiens-Français de nos jours en ont fait autant. Personne n’en a pris prétexte pour les accuser de rébellion à l’autorité britannique.

Plus tard, quand le chef des métis s’aperçut que son étendard faisait douter de sa loyauté, il le remplaça, malgré les réclamations bruyantes de l’Irlandais W.-B. O’Donoghue, par le drapeau anglais pur et simple. En sorte qu’en réalité ce fut Riel qui adopta le premier ce drapeau d’une manière officielle à la Rivière-Rouge. Enfin, détail que personne jusqu’ici n’a encore relevé, au moment même où deux de ses trois envoyés étaient emprisonnés à Ottawa au mépris du droit des gens, le même O’Donoghue furieux fit amener ce drapeau, et voulut le remplacer par celui des États-Unis. Riel, « l’archi-rebelle » des calmes Anglais, s’y opposa formellement, fit remonter le drapeau anglais, et plaça M. André Nault (le même qui fut plus tard lâchement attaqué et laissé pour mort par des soldats de Wolseley) au pied du mât, avec ordre de faire feu sur quiconque voudrait y toucher !

Enfin, quatre ans plus tard, cette loyauté de Riel était publiquement reconnue sous la foi du serment au cours du fameux procès Lépine. Comme le témoin avait été membre du gouvernement provisoire, il devait savoir à quoi s’en tenir sur ce point, et son témoignage est d’autant plus désintéressé qu’il n’était lui-même aucunement en cause. Voici donc ce que déclara le 21