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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/133

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heure en tempête, la première du siècle, le désespoir de Byron eût paru chose factice s’il n’avait eu pour causes des fautes et des malheurs personnels.

« Nous trouvons, dans cette tragédie, la quintessence du talent le plus surprenant, né pour se dévorer lui-même. Le caractère de la vie et de la poésie de lord Byron permet à peine une appréciation juste et équitable. Il a confessé assez souvent ce qui le tourmente : il a peint ses angoisses, à plusieurs reprises, et à peine se trouve-t-il quelque âme qui sympathise à ces souffrances intolérables ! Il est, à vrai dire, hanté de deux femmes. dont les fantômes le poursuivent toujours, etqui, dans cette pièce aussi, remplissent les principaux rôles : l’une sous le nom d’Astarté : l’autre, sans forme ou existence visible, est seulement une voix. Voici ce que l’on raconte de l’horrible événement qui termina les jours de la première. Lord Byron, alors jeune et entreprenant, gagna les affections d’une dame florentine : le mari découvrit leur amour et tua sa femme ; mais l’assassin fut trouvé mort la même nuit, dans la rue, et les soupçons ne purent se fixer sur personne. Lord Byron quitta Florence et depuis ces spectres l’ont toujours harcelé.

» Cet incident romanesque acquiert de la probabilité par les innombrables allusions qu’il y l’ait, dans ses poèmes, comme. par exemple, lorsque, tournant ses contemplation en dedans, il s’applique à lui-même la fatale histoire du roi de Sparte — Pausanias, général laeédémonien, se rendit célèbre par l’importante victoire de Platée, mais s’aliéna ensuite la confiance de ses compatriotes par son arrogance, son obstination et ses secrètes intrigues avec les ennemis de son pays. Cet homme attira sur lui le cri du sang innocentqui le poursuivit jusqu’à sa mort : car, tandis qu’il commandait, sur la mer Noire, la flotte des Grecs alliés, il s’enflamma d’une violente passion pour une vierge byzantine ; il l’avait enfin obtenue de ses parents, après une longue résistance, et elle devait lui être livrée la nuit. Elle pria, par pudeur, l’esclave d’éteindre la lampe, et, tandis qu’elle cherchaitson chemin, dans l’obscurité, elle la renversa. Pausanias, éveillé en sursaut, craignant une attaque de