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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/138

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— mais il a le pittoresque, et cela suffit à lui conquérir l’enthousiasme universel. Scott n’apportait pas une seule idée nouvelle, mais il avait de la nature un certain sentiment dont la fausseté même flattait ses contemporains. Ce paysage irrité qui fait le fond de son banal drame devait singulièrement plaire aux fanatiques de Lara et à Lara lui-même, qui déclarait Walter-Scott le plus grand poëte de son temps. Le paysage fit oublier le drame et plut comme le décor naturel et nécessaire du drame de révolte qui se jouait dans toutes les âmes. Mais qu’on l’oublie ou qu’on y pense, il n’en est pas moins banal et bourgeois, l’intérêt dramatique dont Scott se contente et qu’il nous offre. Ses héros sont vulgaires, quelconques, leurs chagrins, leurs gaîtés, leurs ambitions, leurs « circonstances » aussi. La gloire que le Romantisme fit à un tel poëte était le présage certain de son triste avenir : par cette gloire le Romantisme confessait combien superficiel était son goût pour l’extraordinaire, que cet idéal satisfait d’une devanture s’accommodait fort aisément des pires platitudes d’esprit et de cœur, que sa passion de nouveauté s’arrangeait tout de même des conventions les plus usées, qu’elle s’en arrangeait même avec une prédilection évidente et qui en dit long sur la sincérité de toutes ses révoltes. Le

    Ivanhoe. Ce livre est unique dans l’œuvre du romancier anglais, et même extraordinaire pour son temps.