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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/147

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épris de glorieuses et retentissantes thébaïdes, a le sentiment de la seule solitude précieuse, celle de l’âme. Des mots comme ceux-ci ne sont pas rares dans ses poëmes : « . . jusqu’au jour où surgit dans mon âme le sentiment de ma solitude. » « … il sentit renaître sa solitude. » Enfin Shelley est aux confins de ces nouveaux territoires de la pensée où luit le rêve encore imprécisé des croyances mystérieuses, des immémoriales et toutes récentes croyances de l’homme moderne. Il a le sentiment de la vie des choses : « J’ai entendu des sons amis sortir de plus d’une langue qui n’était pas humaine. » Il croit aux correspondances et devine Swédenborg : « Ô terre heureuse, réalité de ciel ! » Il promulgue cet évangile de la dignité humaine se suffisant à elle-même et affirmant que la pensée des récompenses et des châtiments éternels est inutile à sa noblesse naturelle : « Dans leurs propres cœurs les bons trouveront toujours l’ardeur de l’espérance qui les a faits grands…. »

Tout cela est d’aujourd’hui, tout cela est fondé sur l’unique désir que l’homme trouve dans son âme, quand il y regarde : le désir du bonheur. Shelley échappe aux Romantiques[1] principalement en ce point : qu’il rêve le bonheur au lieu de

se condamner à considérer stérilement son propre

  1. Exceptons Lamartine, qui se complaît, lui, en des visions de bonheur, et fût-ce de joie mélancolique, mais qui, sans doute, se contente aisément.