Aller au contenu

Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fabuleux et controuvé que celui d’Hugo, mais qui ne se prend pas au sérieux et semble s’exalter lui-même et s’égayer aussi d’être à ce point chimérique. Volontiers même pardonne-t-on à ces bravades romantiques des Premières Poésies comme à ces outrances de laisser-aller du Rhythme et de la Rime. On se rappelle qu’il y a, malgré tout, un sentiment intense et bien vivant au fond de ces caprices, un ardent désir de savoir et d’aimer. Ce Moyen-Age des Poëmes, des Contes et des Comédies, aussi fantaisiste que Fantasio lui-même, c’est pourtant le Moyen-Age aussi de ces moines que Rolla jalouse d’aimer :


C’est un profond amour qu’au fond de vos calices
Vous buviez à plein cœur, moines mystérieux :
La tête du Sauveur errait sur vos cilices
Vous aimiez ardemment, ah ! vous étiez heureux.


Et Fantasio lui-même, et aussi Lorenzaccio et tous les personnages des adorables Proverbes, c’est toujours Don Juan, le Don Juan des miraculeux vers de Namouna

À bien plus juste titre qu’Hugo, Musset et Lamartine sont les représentants du Romantisme en ce qu’il eut de meilleur[1]. Hugo crut découvrir l’Antithèse : ignorait-il donc qu’il n’y a qu’elle au fond de toute œuvre artistique et de toute action vitale ?

  1. « En ce qu’il eut de meilleur », non pas de plus spécial. Nous verrons qu’à ce dernier titre c’est Théophile Gautier qu’il faudrait nommer.