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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/168

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mancier se recule de son sujet, n’y intervient jamais en personne, c’est une œuvre objective ; rien n’y est anormal, tout y est déterminé par le tempérament d’Emma, c’est une œuvre logique ; le tempérament d’Emma est tout physique, tout sensuel et le récit de ses amours n’est que le récit d’une suite de sensations, c’est une œuvre sensationnelle ou physiologique, et tout, dans le livre, est de même, physiologique ou sensationnel. Pour caractériser un personnage de George Sand, André, par exemple, nous dirions que c’est un faible, un rêveur, nous chercherions des mots vagues et d’ordre moral ; pour caractériser un personnage de Victor Hugo, Jean Valjean, nous chercherions des mots vagues encore et d’ordre social, nous dirions un forçat honnête homme, etc. D’André et de Jean Valjean nous ne voyons que le geste, le vêtement, l’attitude et nous sommes obligés, pourles préciser dans notre mémoire, de nous rappeler les mots qu’on leur a fait dire. Pour caractériser Charles Bovary et sa femme il nous serait impossible de dire autrement que : un lymphatique, une hystérique, et cela, sans nous souvenir de leurs paroles, car nous voyons leurs visages, le teint pâle et les yeux éteints du mari, et son allure un peu hésitante, l’autre pâleur de sa femme, une pâleur chaude et des yeux brillants, la balèvre sensuelle, l’allure rapide, les mains promptement jointes et ouvertes… Et l’empoisonnement ! Nous avons vu